Rigologie Le rire, c’est du sérieux !

Caroline Féral Palma
Publié le 07-05-2025

En bref

  • Scientifiquement reconnue, la pratique du rire partagé agit comme un puissant antistress, bénéfique pour le corps et l’esprit.
  • Les ateliers de rigologie et de yoga du rire renforcent le lien social entre générations, tout en boostant l’optimisme et la gratitude.
  • Et quelle meilleure occasion que la journée mondiale du rire, le 4 mai, pour découvrir les pratiques qui favorisent la bonne humeur et le lâcher-prise.
atelier de rigologie
Une pratiquante de la rigologie en pleine action Crédit : Caroline Féral Palma - CIDJ

À la recherche du rire perdu

Rabelais disait que « rire est le propre de l’homme », mais aujourd’hui, les Français ne rient plus, ou presque. En 1940, l’exercice de leurs zygomatiques les occupait 19 minutes par jour, contre moins de cinq aujourd'hui, et 7 % avouent ne plus rire du tout. C’est la crise du rire ! « C’est bien connu : en France, on n’est pas les champions de l’optimisme », plaisante Catherine Delanoë, coach en joie de vivre et rigologue depuis près d’une décennie. Après une expérience professionnelle dans le tourisme international, elle découvre en 2016 le yoga du rire et la rigologie : « c’est l’univers du rire qui est entré dans ma vie ». En 2020, en pleine pandémie, elle lâche son CDI pour se consacrer pleinement à cette discipline, et en faire son métier. Formée à l’École Internationale du Rire, elle anime aujourd’hui ateliers et interventions en entreprise, universités, hôpitaux, et même en cour d’appel. Tous les mardis, elle accueille son public au Hasard Ludique, dans le 18e arrondissement. « Les gens rigolent quand je leur dis que je suis rigologue. Ils rigolent encore plus quand je leur dis qu’il y a une école du rire… mais c’est du sérieux ! » Car la rigologie, créée en 2002 par Corinne Cosseron, est une technique psychocorporelle ludique et innovante de libération émotionnelle. Elle permet de se reconnecter à sa joie de vivre, quelles que soient les circonstances. Cette pratique mêle sagesses ancestrales, techniques contemporaines et découvertes scientifiques récentes, comme les neurosciences et la psychologie positive.

L’atelier de rigologie est avant tout un refuge face au trop-plein de tensions engendrées par la vie citadine effrénée. Dans un contexte souvent anxiogène, la rigologie propose la rééducation positive de notre cerveau. Câblé pour repérer d’abord le négatif, il a besoin d’une gymnastique particulière pour réapprendre à voir ce qui va bien. Si les enfants rient 300 à 400 fois par jour, cette fréquence chute dès 23 ans pour ne remonter que vers 65-70 ans. Conclusion : en grandissant, on désapprend à rire. Selon Catherine, « il faut prendre la vie avec plus de légèreté ». Cette philosophie invite aussi à pratiquer la gratitude au quotidien. Il peut s’agir d’apprécier de petites choses, comme un rayon de soleil qui perce à travers les volets du matin. La gratitude permet de réaliser qu’il y a bien plus de petites choses agréables dans notre quotidien qu’on ne l’imagine. En la pratiquant régulièrement, on savoure davantage la vie et on nourrit durablement son bien-être. Et Catherine de rappeler que le positif attire le positif : « on n’est pas responsable de la tête que l’on a mais de la tête que l’on fait. » Et la communauté scientifique de se montrer unanime au moins sur un point, le rire demeure un puissant antistress.

Les médecins recommandent ainsi de rire 10 à 15 minutes par jour, en continu, pour bénéficier pleinement de ses effets. « Ce n’est pas la petite blague à la machine à café qui nous procure la DOSE », précise Catherine. Comprendre dopamine, ocytocine, sérotonine et endorphines, les hormones du bien-être. « Se bidonner sur commande, ça paraît bizarre », reconnaît-elle. Et pourtant, le corps ne fait pas la différence entre un rire simulé et un rire naturel et dans les deux cas, sécrète la même chimie joyeuse. C’est le principe du « rire sans raison », au cœur du yoga du rire, créé en 1995 par le Dr Madan Kataria. Ce médecin indien avait constaté que ses patients rieurs guérissaient plus vite. Fort de ce constat, avec sa femme Madhuri, il a lancé des clubs de rire où, avant le travail, les gens se retrouvaient dans les parcs pour rigoler franchement. Cette pratique s’est répandue dans plus de 100 pays, et Kataria a même créé la Journée mondiale du rire en 1998, célébrée depuis tous les premiers dimanches de mai. Une philosophie que Catherine met en pratique dans ses ateliers, ouverts à un public très large, allant de 20 à plus de 80 ans, tous convaincus de l’importance du lâcher-prise et du plaisir de s’amuser. « Ça matche bien entre toutes les générations », assure-t-elle. Dans un cadre bienveillant et sans jugement, chacun peut être soi-même, sans craindre le regard des autres : « On n’est pas là pour se moquer. » Elle aime rappeler que ces ateliers devraient « être remboursés par la sécurité sociale ». Car, pour beaucoup, la rigologie « change la vie » : elle aide à relativiser. « Positiver, ça change les choses, on vit mieux tout simplement », conclut Catherine.

Pour comprendre concrètement l’impact du rire, rien de mieux qu’un atelier de rigologie. Sous les toits du Hasard Ludique, l'atelier a lieu au dernier étage. Les participants arrivent timidement, incertains de ce qui les attend. Parmi eux, quelques habitués, dont une participante qui déboule en fanfare, offrant un brin de muguet à Catherine pour le 1er mai. Le groupe en chaussettes forme un cercle, occupant toute la pièce. Des regards curieux s’échangent, tandis que Catherine ouvre la séance : un premier cri collectif, pour briser la glace et l’atmosphère se détend dans une onde joyeuse. L’atelier démarre en mouvement : toucher épaules, genoux, pouces, en rythme effréné. Le jeu continue avec des salutations de plus en plus exagérées : d’abord timides, puis pressées, puis comme de vieux amis qui se retrouvent. Les rires fusent et le groupe se libère peu à peu. Sur la musique, la danse classique improvisée devient un moment de grâce partagé. Puis c’est la course folle, les cris de victoire, la ola qui emporte tout, dans une explosion de bonne humeur. De retour en cercle, chacun mime un sport, répond autre chose : éclats de rire garantis. Vient ensuite la lutte à la corde… invisible, bien sûr, qui fait transpirer et rire aux larmes avant l’aviron synchronisé, souffle et rythme partagés. Enfin, allongés sur des tapis, les yeux fermés, les corps se délient. Certains rigolent aux éclats, d’autres sourient doucement, d’autres encore se recueillent simplement. Catherine guide une méditation collective sur fond de musique douce. Les visages sont détendus. On entend même quelques sanglots discrets, signe que les émotions enfouies ont trouvé leur voie. Enfin, ils se redressent et chacun y va de son témoignage. Sébastien, novice, confie : « C’est un sacré effort de sortir un rire sur commande, c’est presque un sport. Finalement, pour être joyeux, il faut s’entraîner à rire. » L’atelier se termine dans une atmosphère apaisée. Les participants remercient Catherine avant de repartir, le sourire aux lèvres et le cœur léger.

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