Les pieds sur terre Angélie Portal, la géophysicienne qui lit le sol comme un livre

Perrine Basset Fériot
Publié le 14-05-2025

En bref

  • Alors que rien ne la destinait à la géophysique, Angélie Portal travaille depuis neuf ans au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), à Orléans.
  • L’originaire du Massif Central, envoyée sur le terrain aux quatre coins du pays, n’a pas peur de mettre les pieds dans la boue.
  • Elle reste l’une des rares femmes de son département, et se désole du manque de filles dans les filières scientifiques.
Angélie Portal est géophysicienne depuis neuf ans à la BRGM.
Angélie Portal est géophysicienne depuis neuf ans au BRGM. Crédit : Caroline Féral Palma - CIDJ

C'est pas sorcier la géophysique

Du plus loin qu’elle se souvienne, Angélie Portal a toujours collectionné les cailloux. Exposés dans sa chambre, ils inspiraient une enfant qui nourrissait une passion ardente pour les volcans. Elle les contemplait depuis la fenêtre de sa maison entre deux épisodes de C’est pas sorcier, l’émission de vulgarisation scientifique. Et le sempiternel duo Fred et Jamy de lui transmettre leur soif du savoir, si bien qu’aujourd’hui, l’originaire du Massif central, l’affirme tout de go : « leur programme a créé de nombreuses vocations ». À commencer par la sienne ancrée dans la géophysique. Car elle a dû délaisser son envie première, la volcanologie, dès son arrivée au lycée. « Mes professeurs m’ont fait comprendre qu’il y avait beaucoup d’appelés et peu d’élus. » Inspirée par son professeur de physique-chimie, « passionné et passionnant », la lycéenne poursuit ses études dans la même voie avec, en ligne de mire, l’enseignement. À la fac de Clermont-Ferrand, la marche s’avère plus haute que prévu et les cours « trop compliqués et trop abstraits ». Changement de cap et retour à ses premières amours : l'étudiante présente sa candidature pour intégrer un master de volcanologie. Une fois le diplôme en poche, elle découvre, à la faveur d’un stage, la géophysique. Un coup de foudre suffisant pour présenter une thèse. Son objet ?  « Essayer de savoir ce que le Puy-de-Dôme a dans le ventre. » Étudier la terre, lire la roche, sa quête. À la fin de sa thèse, Angélie postule « un peu partout », avant d’atterrir au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), à Orléans. 

Créé à l’époque de l’industrie minière, cet établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) abrite aujourd’hui près de 1 000 collaborateurs. Neuf ans plus tard, la géophysicienne de presque 36 ans passe ses journées à « scanner le sous-sol », pour essayer de comprendre ce qu’il y a sous ses pieds. L’occasion de découvrir sur le terrain des lieux interdits au quidam : « Pendant ma thèse, je me suis retrouvée au bord du cratère du Vésuve, avec une vue imprenable du coucher de soleil sur la baie de Naples ». En revanche, en 2018, lorsque la géophysicienne se retrouve à travailler dans un bâtiment évacué en urgence après une alerte effondrement, elle a pu découvrir une autre réalité, loin de celles des « cartes postales ». « Dans certaines maisons, le mobilier était intact, les jouets des enfants jonchaient encore le sol. Juste à côté, certaines personnes, dans un état de détresse totale, continuaient de vivre ici. » Une expérience à laquelle elle n’était pas préparée. Loin d’idéaliser son métier, Angélie se fait le devoir de rappeler aux futurs géophysiciens la réalité du terrain : « En mission, on est toute la journée dehors, sous une météo parfois capricieuse. Certains stagiaires s’étonnent de ne pas avoir de pause déjeuner au restaurant… Mais ici, c’est pique-nique ! » En fonction des années, elle passe de 20 à 50 % de son temps sur le terrain, partout en France ou à l’étranger. Un rythme pas toujours facile, qui nécessite de trouver un bon équilibre entre « vie pro et perso ». 

D’autant qu’au bureau, loin du terrain, c’est un gros travail d’extraction des données qui l’attend souvent. Si elle ne raffole pas des chiffres, la scientifique leur préfère des problématiques sociétales : « Les enjeux liés à l’eau sont immenses. Imaginez que dans certains endroits en France, des personnes n’ont toujours pas accès à l’eau potable depuis leur robinet », rappelle cette professionnelle, peu solitaire, qui apprécie de travailler en équipe. En équipe masculine, car on ne compte pas beaucoup de femmes au BRGM, riche de 40 géophysiciens ! « La géophysique reste encore un métier genré, même si les lignes bougent », relativise-t-elle. Restent les statistiques : dans les études supérieures, les filles demeurent minoritaires dans ces domaines. La professionnelle espère intimement que les représentations de femmes scientifiques dans les médias changeront la donne. En acceptant cette interview, sous la forme d’un échange croisé avec des jeunes, elle tente de remplir le rôle. Tout en espérant que ce ne soit pas qu’un petit caillou lancé dans un chaudron immuable. 

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